Damien Hirst
Cerisiers
Au printemps 2021, la Fondation Cartier pour l’art contemporain invite l’artiste britannique Damien Hirst à dévoiler sa dernière série de peintures Cherry Blossoms (Cerisiers en Fleurs). Fruit de deux années de travail solitaire dans son atelier londonien, cette série s’inscrit dans la continuité de ses recherches picturales et témoigne du plaisir de retrouver, grâce à la peinture, le geste de l’artiste. Cerisiers est la première exposition institutionnelle de Damien Hirst en France.
La série Cherry Blossoms réinterprète avec une ironie joyeuse le sujet traditionnel et populaire de la peinture de paysage. Sur la toile, Damien Hirst mêle touches épaisses et projections de peinture faisant référence tant à l’impressionnisme et au pointillisme qu’à l’action painting. Les peintures monumentales, entièrement recouvertes de couleurs vives et saturées, enveloppent le spectateur dans un paysage végétal oscillant entre figuration et abstraction. À la fois détournement et hommage aux grands mouvements artistiques de la fin du XIXe et du XXe siècle, cette série marque une forme d’aboutissement des recherches que Damien Hirst mène depuis le début de sa carrière sur la couleur, la beauté, la perception et le rôle de l’artiste.
D’abord étudiant à Leeds puis au Goldsmiths College of Art de Londres à la fin des années 1980, Damien Hirst devient rapidement le chef de file des Young British Artists, un groupe d’artistes partageant un goût pour l’expérimentation et la création de dispositifs, parfois perçus comme choquants, qui domina la scène britannique dans les années 1990. Les cadavres d’animaux plongés dans d’immenses aquariums remplis de formol de la série Natural History deviennent ainsi rapidement des images emblématiques de l’œuvre de Damien Hirst et de cette scène artistique.
Dès cette époque, la peinture joue un rôle essentiel dans la pratique de Damien Hirst : « J’ai toujours été un grand amoureux de la peinture et pourtant j’ai constamment cherché à m’en éloigner. En tant que jeune artiste, on est nécessairement influencé par les tendances du moment, et dans les années 1980 la peinture n’était pas dans l’air du temps. » Si les toiles des débuts sont inspirées de l’expressionnisme abstrait — qu’il qualifie de « paint how you feel » — il entreprend dès 1986 la série Spot Paintings (non achevée à ce jour) qui s’inscrit davantage dans la lignée du minimalisme et de l’art conceptuel des années 1960. Dans ces œuvres, les points colorés semblent réalisés par une machine, gommant toute trace d’intervention humaine. L’approche qui caractérise Visual Candy (1993-1995), une série de toiles aux titres ironiques composées de taches épaisses et de couleurs exubérantes superposées, est quant à elle déjà une célébration du plaisir de peindre.
Avec la série Cherry Blossoms, commencée juste après l’ambitieuse exposition de sculptures Treasures from the Wreck of the Unbelievable présentée à Venise (2017) qui l’a occupé pendant près de 10 ans, Damien Hirst retrouve la spontanéité du geste pictural. L’image d’une peinture mécanisée, omniprésente dans la série Spot Paintings, est ici remplacée par la faillibilité de la main de l’artiste qui les réalise seul dans son atelier.
« Cherry Blossoms parle de beauté, de vie et de mort. Ces peintures sont excessives — presque vulgaires. Comme Jackson Pollock tourmenté par l’amour. Elles sont décoratives bien que directement inspirées de la nature. Elles parlent de désir, de la manière dont on perçoit les choses qui nous entourent et ce qu’on en fait, mais évoquent aussi l’incroyable et éphémère beauté d’un arbre en fleurs dans un ciel sans nuages. J’ai adoré travailler sur ces toiles, me perdre entièrement dans la couleur et la matière à l’atelier. Les Cherry Blossoms sont tape-à-l’œil, chaotiques et en même temps fragiles, c’est grâce à elles je me suis éloigné du minimalisme, du fantasme d’un peintre mécanique. Et c’est ça que j’ai vraiment trouvé excitant. »