Thierry Mugler
COUTURISSIME
Le Musée des Arts Décoratifs accueille l’exposition « Thierry Mugler, Couturissime », conçue, produite et mise en itinérance par le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Cette exposition d’envergure retrace l’œuvre du créateur à l’imaginaire singulier qui a révolutionné la mode, la haute couture et le parfum. Cette étape parisienne signe le retour d’un artiste visionnaire, photographe, inventeur de parfums et metteur en scène, dans la ville où il a connu tous les succès.
Silhouettes et accessoires de prêt-à-porter et de haute couture, costumes de scène, photographies, vidéos et archives inédites, datées de 1973 à 2014, retracent l’univers fascinant du créateur, ainsi que ses multiples collaborations artistiques dans les domaines du spectacle, de la musique et du cinéma. Dans une scénographie collective assurée par le MBAM, sous le commissariat de Thierry-Maxime Loriot, des performances numériques de professionnels du monde du spectacle et de l’audiovisuel ponctuent le parcours. Loin d’une rétrospective classique, c’est une partie de la vie et toute l’énergie, dont à la fois Thierry Mugler et Manfred sont complémentaires, qui sont ici mises à l’honneur dans les galeries de la Mode Christine et Stephen A. Schwarzman.
Dès les années 1970 et jusqu’en 2002, quand Thierry Mugler tourne la page de la mode, le créateur s’est imposé comme l’un des couturiers les plus audacieux et les plus inventifs de son temps, allant jusqu’à incarner l’image même des années 1980, grâce à une silhouette graphique d’une force remarquable. Dans les années 1990, il contribue puissamment à la renaissance de la haute couture par ses collections et son sens de la mise en scène de défilés spectaculaires et de photographies grandioses, alliés aux mannequins les plus iconiques.
« Thierry Mugler, Couturissime » organisée en plusieurs actes, tel un opéra, mêle de façon thématique costumes, projections animées, photographies et musique, créant des ambiances qui incarnent les différents projets dans lesquels s’est investi l’artiste depuis la fin des années 1970.
L’exposition qui se déploie sur deux niveaux, s’ouvre sur une évocation du bestiaire fantastique de Mugler, de la microfaune aux profondeurs marines faisant la part belle à la démesure : silhouettes futuristes aux épaulettes pointues, décolletés abyssaux, tailles de guêpes irréelles…
Deux silhouettes exceptionnelles issues des collections Insectes et Chimères (1997/1998) illustrent avec éclat cette section. Un fourreau à traîne de velours noir, orné d’ailes de papillon de la maison Lemarié et une « créature » articulée d’écailles iridescentes brodées de cristaux, de diamants fantaisie, de plumes et de crin de cheval, font désormais partie des chefs-d’œuvre absolus de la couture. Des nymphes vêtues de bustiers coquillage en verre cranté et d’extravagantes méduses en organza semblent évoluer vingt-mille lieues sous les mers. La science-fiction succède à ce monde animal et aquatique : les superhéroïnes de bandes dessinées, le design industriel et les automobiles futuristes deviennent de nouvelles sources d’inspiration.
De surprenantes créatures robotisées, carrossées, aérodynamiques, façonnées dans des matières innovantes, devenues emblématiques, anticipent les révolutions du transhumanisme. L’artiste a conçu avec humour des fourreaux amovibles ou « décapotables », des bustiers « pare-chocs » et des ceintures « radiateur ». On ne peut qu’admirer sa Maschinenmensch dévoilée en 1995 pour les vingt ans de sa maison : une cuirasse robotique intégralement articulée qui nécessita pas moins de six mois de travail intensif. En dehors de la création de mode, Thierry Mugler s’est distingué dans le domaine de la parfumerie en donnant naissance, en 1992, à Angel, une révolution olfactive qui a lancé la tendance des parfums gourmands. Une salle mise en scène par l’artiste achève cette section en évoquant le monde des senteurs imaginées par le créateur et qui ont toujours été synonymes pour lui d’infini et de rêve.
Dès la fin des années 1960, la photographie de mode se développe en se substituant aux illustrations pour s’imposer pleinement. L’exposition consacre, dès le deuxième étage, une place de choix à ce médium avec de nombreux tirages rares signés des plus grands artistes et photographes de mode, parmi lesquels Guy Bourdin, Jean-Paul Goude, Karl Lagerfeld, Dominique Issermann, David LaChapelle, Luigi & Iango, Sarah Moon, Pierre et Gilles, Paolo Roversi, Herb Ritts et Ellen von Unwerth ainsi que la collaboration fructueuse entre Thierry Mugler et le photographe Helmut Newton.
Une salle est dédiée aux réalisations photographiques de Mugler lui-même qui se lance, dès 1976, dans les prises de vues de ses propres campagnes visuelles, jouant du glamour et de la beauté de ses muses, de Jerry Hall à Iman, dans des lieux extrêmes, du Groenland au Sahara, jusque sur les toits de l’Opéra de Paris.
À la fin des années 1970, Mugler crée la « glamazone », une femme chic, moderne, urbaine et glamour à contrecourant de la mode flower power et hippie de l’époque. Dans un décor noir et blanc, ses créations en paillettes évoquent la tentation de l’érotisme et du fétichisme, avec des tenues plus dénudées alliant latex et vinyle, matières subversives et innovantes, qu’il élève au rang de classiques.
La musique occupe une place de choix avec le clip « Too funky » de Georges Michael réalisé par Thierry Mugler dont les tenues sont portées par les plus célèbres top-modèles des années 1990, d’Eva Herzigova à Linda Evangelista, d’Emma Sjöberg à Estelle Lefebure en passant par la mannequin transgenre Connie Girl, le performeur Joey Arias et Julie Newmar, la première Catwoman. Il rend également hommage à la costumière américaine Edith Head oscarisée huit fois. Mugler a aussi lancé, sur ses podiums, le phénomène des défilés spectacles, en y invitant des célébrités hollywoodiennes, comme Diana Ross, Tippi Hedren ou Sharon Stone, et signant lui-même leur mise en scène et les bande-sons.
Enfin, l’exposition fait revivre une sélection de costumes conçus par l’artiste pour « Macbeth », pièce présentée par la troupe de la Comédie-Française au festival d’Avignon, en 1985. Le costume pour le personnage de la première sorcière, des croquis affichés sur le mur ainsi qu’une installation multimédia de Michel Lemieux (4D Art), ne sont que quelques exemples des éléments nous transportant dans ce monde shakespearien puissamment tragique.
« Thierry Mugler, Couturissime » est l’occasion de découvrir et redécouvrir cet artiste total, tour à tour danseur, homme de scène, photographe et créateur, un homme qui a marqué son époque en révolutionnant la mode par ses créations aux morphologies sculpturales à la fois futuristes et élégantes. Son style distinctif a transcendé les modes et a influencé, encore aujourd’hui, des générations de créateurs.