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Le Dessin à Bologne

Carrache, Le Guerchin, Dominiquin …

C’est la Bologne maniériste et berceau du baroque, ville des grands décors dans les églises et les palais, que le Cabinet des dessins Jean Bonna met à l’honneur. Une trentaine de dessins issus de la collection des Beaux-Arts de Paris, pour certains inédits, permet d’apprécier la richesse d’invention des maîtres de la cité émilienne. Rassemblant des études de composition ou de figures destinées tant à des tableaux qu’à des grands décors, l’ensemble se propose d’illustrer la variété des genres abordés par les artistes bolonais des XVIe et XVIIe siècles, des maniéristes Biagio Pupini ou Bartolomeo Passerotti jusqu’aux peintres baroques les plus célèbres.

Bologne est le lieu dès le XVIe siècle de prestigieux cycles de fresques grâce notamment aux Carrache. Domenico Maria Canuti poursuit cette tradition avec de nombreux plafonds, dont le somptueux projet pour une Apothéose de Romulus, récemment acquis par les Beaux-Arts de Paris, offre un bel exemple. L’exposition présentera notamment des dessins des Carrache, du Guerchin, de Simone Cantarini et Elisabetta Sirani, du fresquiste Domenico Maria Canutti comme du caricaturiste Giovanni Antonio Burrini.

Dans cette nouvelle exposition, plusieurs feuilles des Carrache, montrées pour la première fois au public, mettent en valeur leurs inventions tant dans le genre du paysage que du grand décor. Un ensemble exceptionnel d’oeuvres du Guerchin (1591-1646), le plus admiré et le plus talentueux des suiveurs des Carrache, dévoile sa virtuosité dans la représentation du corps humain et du paysage, genres qu’il aborde dans des techniques aussi variées que la plume, l’encre brune ou le lavis brun. À ses côtés, on découvre les feuilles de Simone Cantarini (1612/14-1648), spécialisé dans les scènes religieuses pleines d’élégance, mais également de la célèbre peintre bolonaise Elisabetta Sirani (1638-1665). Réputée pour sa vertu et son érudition, elle occupe à Bologne une place de premier ordre, ouvrant un atelier pour former des femmes peintres.

Enfin il ne faut pas oublier que Bologne est à l’origine de l’invention de la caricature, tradition mise en oeuvre par les Carrache et poursuivie par de nombreux élèves, dont Giovanni Antonio Burrini (1656-1727) : son portrait charge en est un témoignage saisissant.

du 24 janvier au 10 avril 2020

BEAUX-ARTS de Paris

Cabinet de dessins Jean Bonna

14 rue Bonaparte 75006 Paris

du mercredi au dimanche (fermé lundi et mardi)
de 12h à 21h

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A la recherche des œuvres disparues

« À la recherche des œuvres disparues » est une enquête sur les traces d’œuvres inédites d’Alberto Giacometti. Disparues ? Pas totalement, car Alberto Giacometti a laissé des indices derrière lui, des précieux témoignages documentés qui permettent aujourd’hui à l’Institut Giacometti de présenter des œuvres méconnues et inédites.

Alberto Giacometti a traversé de nombreuses phases de doute, au cours de sa carrière, qui le poussent à remettre inlassablement son travail en question. Perdues, vendues ou endommagées, les œuvres ont toutes connu leur propre histoire.

A l’aide de croquis, carnets de notes et photographies d’archives, ces œuvres déterminantes sont aujourd’hui reconstituées dans les salles d’exposition face à des pièces authentiques de la même période.

Au fil des nombreux entretiens donnés principalement à partir des années 1950, Alberto Giacometti s’est créé un personnage mythique d’éternel insatisfait, en proie à un drame existentiel quotidien. De cette figure participe un geste, celui de la destruction de l’œuvre, visant à faire tabula rasa quand l’impasse créative devient insurmontable.
La légende veut ainsi que Giacometti, hanté par le doute, détruisait ses œuvres au fur et à mesure qu’il les réalisait. Seule une sélection restreinte aurait ainsi pu lui être arrachée des mains. or, si les témoignages de ses proches confirment que l’artiste vivait une insatisfaction permanente, l’examen minutieux des archives montre cependant qu’il était loin de détruire systématiquement ses œuvres.
De plus, dans les récits qu’il livre à ses proches et aux journalistes, il fait surtout référence à sa carrière d’après-guerre, alors que notre étude montre que la disparition des œuvres est un phénomène plus courant dans les années 1920 et au début des années 1930. enfin, l’analyse deces années permet en outre de constater que la destruction volontaire est en réalité rarement la seule explication de leur perte. nous sommes ainsi face à une typologie variée et complexe d’œuvres « disparues » et pas toujours de la main de Giacometti, loin s’en faut.”

Michèle Kieffer, extrait du catalogue de l’exposition.

du 25 février au 12 avril 2020

INSTITUT GIACOMETTI

5 Rue Victor Schoelcher 75014 Paris

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Claudia Andujar

La Lutte Yanomami

La Fondation Cartier présente la plus vaste exposition jamais consacrée à l’œuvre de la grande photographe brésilienne Claudia Andujar qui, depuis les années 1970, dédie sa vie à la photographie et à la défense des Yanomami, peuple amérindien parmi les plus importants de l’Amazonie brésilienne.

“Je suis liée aux Indiens, à la terre, à la lutte première. Tout cela me touche profondément. Tout me semble essentiel. Peut-être ai-je toujours cherché la réponse au sens de la vie dans ce noyau fondamental. J’ai été poussée là-bas, dans la forêt amazonienne, pour cette raison. C’était instinctif. C’est moi que je cherchais.” Claudia Andujar

Fruit de plusieurs années de recherche dans les archives de la photographe, cette exposition, conçue par Thyago Nogueira pour l’Instituto Moreira Salles au Brésil, présente son œuvre à travers plus de 300 photographies en noir et blanc ou en couleur dont un grand nombre d’inédits, une installation audiovisuelle ainsi que des dessins réalisés par des artistes Yanomami et des documents historiques. Reflétant les deux versants indissociables de sa démarche, l’un esthétique, l’autre politique, elle révèle à la fois la contribution majeure de Claudia Andujar à l’art photographique et le rôle essentiel qu’elle joue en faveur de la défense des droits des Indiens Yanomami et de la forêt qu’ils habitent.

Née en 1931 à Neuchâtel, Claudia Andujar vit à São Paulo. Après une enfance en Transylvanie, elle rejoint la Suisse avec sa mère pendant la Seconde Guerre mondiale pour fuir les persécutions nazies en Europe de l’Est. Son père, juif hongrois, est déporté à Dachau où il est exterminé avec la plupart des membres de sa famille. Après la guerre, Claudia Andujar immigre aux États-Unis et s’installe définitivement en 1955 au Brésil, où elle entame une carrière de photojournaliste.

Elle rencontre pour la première fois les Indiens Yanomami en 1971, alors qu’elle participe à un reportage sur l’Amazonie pour le magazine Realidade. Fascinée, elle décide d’entreprendre un travail photographique approfondi sur le monde des Yanomami grâce à une bourse de la Fondation Guggenheim. Son approche diffère nettement du style documentaire de ses contemporains. Les photographies prises à cette période montrent les diverses techniques qu’elle expérimente pour traduire ce qu’elle perçoit de l’expérience chamanique des Indiens Yanomami. En appliquant de la vaseline sur l’objectif de son appareil, en utilisant une pellicule infrarouge ou en jouant avec la lumière, elle crée des distorsions visuelles qui imprègnent ses images d’une certaine surréalité.

Claudia Andujar réalise également de nombreux portraits en noir et blanc à travers lesquels elle saisit la noblesse et l’humanité des Yanomami. Elle privilégie les plans resserrés de visages ou de fragments de corps, et crée des effets de clair-obscur pour instaurer un sentiment d’intimité et mettre en valeur avec empathie l’intériorité de ses sujets. Dans le même temps et afin de mieux comprendre leur culture, elle propose aux Yanomami de représenter eux-mêmes leur univers métaphysique en leur fournissant papier, stylos et feutres. Une sélection de ces dessins montrant des scènes mythologiques ou rituelles et des visions chamaniques est présentée dans l’exposition.

La fin des années 1970 marque un tournant dans la carrière de Claudia Andujar. La construction, par le gouvernement militaire brésilien, de la route transamazonienne dans le sud du territoire Yanomami ouvre la région à la déforestation ainsi qu’à des projets de colonisation agricole, et provoque la destruction de communautés entières en favorisant la propagation d’épidémies. Cette situation dramatique n’est pas sans rappeler à Claudia Andujar le génocide auquel elle a assisté en Europe, et cette prise de conscience la pousse à s’engager entièrement dans la lutte en faveur de la défense des droits des Yanomami et de la protection de leur forêt. En 1978, elle fonde avec le missionnaire Carlo Zacquini et l’anthropologue Bruce Albert la Commissão Pro-Yanomami (CCPY) et se lance dans une campagne longue de près de quinze ans pour la délimitation de leur territoire, condition essentielle de la survie physique et culturelle de ce peuple. Son militantisme prend alors le pas sur son travail artistique et la photographie devient pour elle une préoccupation secondaire, dont la vocation est désormais de soutenir la cause des Yanomami.

C’est à cette époque que Claudia Andujar réalise, lors d’une campagne de vaccination, des photographies en noir et blanc de Yanomami portant autour du cou un numéro servant à les identifier sur des fiches médicales. Elle reprendra plus tard ces photographies dans l’une de ses séries les plus célèbres, celle des « Marcados [Marqués] ». L’ambigüité de ces images réside dans le malaise que crée l’identification numérique des individus, qui n’est pas sans rappeler le tatouage des juifs pendant la Shoah bien que le procédé soit ici, à l’inverse, mis en place pour la survie d’un peuple. Des photographies inédites issues de cette série seront dévoilées pour la première fois dans l’exposition.

En réaction aux décrets signés en février 1989 par le gouvernement brésilien pour démembrer le territoire Yanomami en un archipel de dix-neuf micro-réserves, Claudia Andujar crée Genocide of the Yanomami: Death of Brazil (1989-2018), un manifeste audiovisuel réalisé à partir de photographies tirées de ses archives qu’elle re-photographie à l’aide de filtres et d’éclairages divers. Véritable point d’orgue de l’exposition, cette œuvre, présentée dans une nouvelle version réalisée à cette occasion, montre le bouleversement d’un monde amérindien dévasté par la prédation de la civilisation occidentale. Une bande-son composée par Marlui Miranda à partir de chants Yanomami et de musique expérimentale accompagne l’installation.

En 1992, grâce au combat mené sans relâche par Claudia Andujar, Carlo Zacquini, Bruce Albert et le chaman et porte-parole des Indiens Yanomami Davi Kopenawa, le gouvernement brésilien a accepté de reconnaître légalement le territoire des Yanomami. L’intégrité de ce territoire, homologué à la veille de la conférence générale des Nations unies sur l’environnement tenue la même année à Rio, est encore aujourd’hui menacée par une invasion massive de chercheurs d’or et la déforestation causée par les grands éleveurs.

En retraçant le combat d’une vie et en dévoilant la richesse formelle du travail de Claudia Andujar, l’exposition Claudia Andujar, La Lutte Yanomami montre pour la première fois son œuvre dans toute sa beauté et sa complexité. Elle offre une immersion dans l’univers cosmologique et la vie quotidienne des Yanomami ainsi qu’une puissante mise en accusation politique des abus dont ils sont victimes.

La Fondation Cartier pour l’art contemporain soutient la cause Yanomami et le travail de Claudia Andujar depuis 20 ans. Claudia Andujar et des artistes Yanomami, tels que Taniki, Joseca, Ehuana et Kalepi ont participé à plusieurs expositions et figurent parmi les artistes de la collection de la Fondation Cartier.

du 30 janvier au 10 septembre 2020

FONDATION CARTIER

261 boulevard Raspail 75014 Paris

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Kim KototamaLune

Le Prologue de la Matière

Les nouvelles sculptures aux formes organiques de Kim KototamaLune (née en 1976 à Ho-ChiMinh-Ville,Vietnam) témoignent de ses multiples intérêts pour les neurosciences, la physique quantique ou la philosophie orientale, lesquels constituent, entre autres choses, les éléments moteurs de sa pratique des arts plastiques. Car au-delà des performances techniques que requière précisément sa discipline, le maniement du verre, l’artiste est avant tout animée par une question : « Comment incarner cette sensation impossible à nommer ? », celle que certains appellent le vide et que d’autres, les scientifiques, qualifient de « prologue de la matière.* »

Hantée par cette problématique, la plasticienne conçoit installations et sculptures de verre qu’elle soude ou file consciencieusement, sans moule ni matrice, pour mieux se confronter à ce vide. Le geste est à la fois obsessionnel et thérapeutique lorsqu’elle tisse la dentelle de verre fragile et aérienne. Comme une ode au dialogue entre Science et Art, trois installations majeures rythment l’exposition et témoignent de la volonté de Kim KototamaLune d’établir le lien entre microcosme et macrocosme. D’abord, Le Crépuscule des Âmes, un arbre mutilé qui semble se revitaliser grâce à une multitude de pousses de fœtus, permet à l’artiste de traiter du thème de la métamorphose des corps et de leur régénération. Ensuite, Le Silence du Nom, sous la forme d’un œuf réceptacle, fait référence à ce qui pré-existe à la matière, à cette quête des origines et de la mémoire cellulaire. Enfin, Une Espèce d’Eternité, un cœur d’embryon démesurément grand – né du programme Organoïde mis en place par l’Institut Pasteur – évoque aussi bien les richesses symboliques du cœur que les avancées scientifiques sur cet organe.

Telle une nécessité de trouver une issue à son histoire personnelle, Kim KototamaLune crée à travers ses œuvres la possibilité d’un espace d’entre-deux, avec ces interstices « qui permettent le mouvement intérieur, passant du néant destructeur au vide fécond, un vide qui accueille et dont la spatialité s’étend à l’infini ». L’artiste, davantage guidée par une recherche de sens que par une esthétique formaliste, cherche constamment le lien entre rythme intérieur et mouvements extérieurs, chair et matière, entre vide quantique et vide des origines (taoïste), nous révélant l’invisible dans un visible fait de transparence et de lumière.

* Etienne Klein, Ce qui est sans être tout à fait : Essai sur le vide, Acte Sud, 2019

du 23 janvier au 7 mars 2020

GALERIE DA END

17 rue Guénégaud 75006 Paris

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Frank Horvat

New York Up&Down

New York Up & Down est une exceptionnelle série en couleur de Frank Horvat. Prises entre 1982 et 1986, les images capturent la ville de New York d’une manière brute et granuleuse. Pour l’artiste français, né en 1928, l’abandon du noir et blanc est alors un vrai parti pris esthétique qui rompt avec son passé. S’il ne se considère pas comme un coloriste, il joue assurément avec les couleurs : ici un homme de dos portant un enfant au bonnet orange, là une femme au visage dissimulé par un volumineux sac blanc orné d’une pomme vermillon, ailleurs l’intérieur d’un wagon de métro où semble s’agiter un bouquet de ballons aux teintes vives, tranchant avec la grisaille environnante…

 « Ce que j’ai essayé de transmettre dans cette série, New York Up & Down, ce ne sont pas seulement les transitions de l’obscurité du métro à la vue des étages supérieurs des gratte-ciel, des températures en janvier à celles de juillet, mais aussi les changements, d’un jour à l’autre et parfois d’une minute à l’autre, de l’exaltation à la déception, du triomphe à l’échec, de la réalisation à la défaite …. »

« Parce que New York est à l’opposé de la métropole inhumaine, telle qu’elle est imaginée par ceux qui n’y ont jamais mis les pieds. C’est, au contraire, l’un des rares endroits au monde – et peut-être le seul – où l’homo sapiens semble avoir muté avec succès en homo urbanus. Avec des rituels, des réflexes et des lois non écrites, permettant à quinze millions de personnes, venues des quatre coins de la planète, de vivre ensemble dans un espace restreint, dans des conditions souvent inconfortables, mais sans être trop enclines à s’arracher les tripes – et parfois même partager une blague, un petit geste de soutien, un contact physique qui ne soit pas nécessairement pour l’argent »

Du 23 janvier 2020 au 21 mars 2020

IN CAMERA GALERIE

21 rue Las Cases 75007 Paris