Daido Moriyama
A l’occasion de l’exposition « Moriyama+Tomatsu : Tokyo » à la Maison Européenne de la Photographie, la Galerie Da-End vous propose de redécouvrir sa série Erotica du japonais Daïdo Moriyama. L’exposition « Onna (Femmes) »
présente une vingtaine de clichés sulfureux, donnant à voir un pan plus intime et sensuel du photographe.
Figure majeure de la photographie japonaise du début des années soixante-dix, Daido Moriyama appartient à un mouvement de photographes (dont Tomatsu et Araki) rejetant l’image préconçue et porteuse d’un message, au profit de celle anti-conformiste, sauvage et brute. Témoin de l’oscillation du Japon entre tradition et modernité, cette génération a largement contribué à renouveler le langage photographique de l’époque. Moriyama tout particulièrement mitraille la ville et tout ce(ux) qu’il croise(nt) de façon obsessionnelle et subreptice, comme pour compiler les souvenirs d’un monde éphémère et flottant. « Les photographies sont les empreintes de la lumière et la mémoire, les photographies constituent l’histoire de la mémoire. C’est le mythe de la lumière.1 » Il entraîne notre regard à l’esthétique de l’instantané – résultat d’une photographie prolifique dans un monde indompté.
Le photographe est irrévocablement attiré par les endroits les plus à la marge, par le tout venant, les non lieux, les invisibles, par les quartiers crades et poisseux de la ville : prostituées, mafieux, marmailles, passages piéton bondés ou bains publics.
« Je bats le bitume comme un chien errant. » Il se laisse aller à l’errance et au voyage urbain dans les recoins les plus sombres, comme ces chambres miteuses ou ces bars tapissés de bouches pulpeuses. Fragments de corps, femmes aux cigarettes, culs dénudés… Chez Moriyama, le lugubre côtoie la volupté. Et la ville qu’il parcourt semble devenir corps,
construisant un rapport charnel aux ruines d’un Japon en reconstruction. Une mise en parallèle des corps humains et urbains. Ainsi immortalise-t-il des femmes nues, lascives ou ligotées, accroupies ou allongées, parfois même les
aguicheuses des affiches publicitaires. Sa photographie appelle au corps à corps. Car le désir surgit de toute part lorsque le monde de Daido Moriyama prend forme et éclabousse sa photographie. Un noir et blanc tantôt onirique ou sensuel, un corps flouté dans un cadrage chahuté. Une couleur saturée voire érotique de la ville en mouvement, incessamment, de la ville et sa trivialité. Une ville friponne, nippone, mais pas que. « Le noir et blanc exprime mon monde intérieur, les émotions et les sensations que j’ai quotidiennement quand je marche sans but dans les rues de Tokyo ou d’autres villes. La couleur exprime ce que je rencontre, sans aucun filtre, et j’aime saisir cet instant pour ce
qu’il représente pour moi. Les premières sont riches en contraste, dures, et reflètent pleinement ma nature solitaire. Les secondes sont polies, sages, comme je me présente au monde.»