Yves Saint-Laurent aux Musées
Il y a vingt ans, Yves Saint-Laurent, le plus artiste des couturiers français, présentait son dernier défilé à Beaubourg. Dans sa maison de couture créée en 1962, il n’a eu de cesse, au fil de ses collections, d’entretenir un dialogue avec l’art : peinture, sculpture, littérature, théâtre ou cinéma ont nourri son imagination et ses créations. Il entre aujourd’hui au musée, reconnaissance supplémentaire de sa création au rang de patrimoine national. D’un format inédit, YVES SAINT LAURENT AUX MUSÉES est une exposition anniversaire qui se déploie dans six musées parisiens : le Centre Pompidou, le Musée d’Art Moderne de Paris, le Musée du Louvre, le Musée d’Orsay, le Musée National Picasso-Paris et le Musée Yves Saint Laurent Paris. Elle illustre la continuité et la profonde unité des liens que le couturier tisse avec l’art mais aussi avec les collections publiques françaises. Portée par la fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent, l’exposition YVES SAINT LAURENT AUX MUSÉES, crée par des jeux de rapprochements et de renvois, un dialogue entre certains modèles, parmi les plus iconiques du couturier, mais aussi de belles découvertes moins connues du public, et les collections permanentes de différents musées parisiens. Ainsi, ce projet retrace le parcours créatif et unique d’Yves Saint Laurent tout en célébrant les arts du monde. Le caractère rayonnant du projet permet de construire des passerelles entre Yves Saint Laurent et différents univers artistiques.
Au Centre Pompidou, au cœur du Musée national d’art moderne le parcours aborde l’œuvre d’Yves Saint Laurent comme celle d’un artiste profondément ancré dans son temps et comme un témoin de l’évolution de la création artistique au XXe siècle. Maître absolu de cette période, Picasso tient une place particulière dans l’œuvre du couturier comme en témoignent les jeux de citations proposés au Musée National Picasso-Paris. Sensible aux correspondances entre les arts, Yves Saint Laurent ne cesse de jongler entre rythmes et couleurs, lumières et matières, à l’image des dialogues énoncés au Musée d’Art Moderne de Paris, qui alternent salles monumentales et séquences plus intimes. Au Musée du Louvre, c’est la fascination du couturier pour la lumière, pour l’or – couleur du soleil – pour les arts décoratifs mais aussi et surtout pour le grand apparat qui est mise à l’honneur dans la galerie d’Apollon. Or, toutes ces trajectoires qui se répondent les unes aux autres ne peuvent être appréhendées sans interroger le rôle et la place que Marcel Proust occupe dans l’imaginaire du couturier. Cette passion proustienne, ainsi que la question du genre à travers les codes vestimentaires masculin-féminin, sont explorées au Musée d’Orsay.
Au Centre Pompidou, Mouna Mekouar, curatrice de ces six expositions, et les conservateurs Christian Briend et Marie Sarrey, ont su révéler l’intérêt de Saint-Laurent pour l’Afrique. Le manteau en raphia roux et perles de bois, réminiscence des habits rituels dogon, dialogue avec le cabinet de curiosités d’André Breton, la robe noire à poitrine conique en organza brodée de perles de plastique cohabite avec l’Objet désagréable du sculpteur Alberto Giacometti. Au musée Picasso, le couturier emprunte à l’esthétique cubiste du grand maître, éternels jeux de construction et de déconstruction. En 1979, Saint-Laurent consacre une collection complète automne-hiver au peintre espagnol, comme cette robe qui reprend les visages asymétriques dans l’œil du peintre.
Au Louvre, dans la galerie d’Apollon, le département des objets d’art du plus grand musée du monde abrite les diamants de la Couronne. Quatre vestes brodées rivalisent avec l’orfèvrerie des lieux, dont le fameux Cœur en strass, broche que portait l’une de ses modèles lors de chaque défilé.
L’oeuvre de Marcel Proust était très chère à Yves Saint-Laurent. Le musée d’Orsay a choisi le salon de l’horloge pour exposer les robes portées en 1971 par Jane Birkin et Marie-Hélène de Rothschild pour le bal organisé par cette dernière dans son château de Ferrières pour fêter le centième anniversaire de la naissance de Marcel Proust. Yves Saint Laurent créa à cette occasion des robes d’inspiration Belle Époque pour Nan Kempner, Hélène Rochas, Jane Birkin et la maîtresse des lieux. Elles cohabitent ici avec différents smokings, pièces iconiques du couturier, réinventées année après années, un habit qui transférait les codes du pouvoir masculin aux femmes.
« Je suis un artiste raté », disait Yves Saint-Laurent dans une interview à la presse en 2000, reconnaissant avoir pioché chez les plus grands artistes de son temps. À travers ses modèles, c’est en effet toute une culture, tout un univers artistique qui s’exprime. Car dans sa puissance créative, Yves Saint Laurent réinvente, avec rigueur et fantaisie, tout l’héritage plastique du monde. Dans cette perspective, ce vaste projet d’expositions envisage la création d’Yves Saint Laurent, comme traversée par différentes cultures et temporalités.
En écho aux chefs-d’œuvre présentés dans les collections permanentes des musées partenaires, une partie des archives de la maison de couture – précieusement réunies par Pierre Bergé et Yves Saint Laurent – sont présentées au Musée Yves Saint Laurent Paris.