Gladys Chenel
Itinéraire Saint-Germain, un nouvel évènement qui nous réjouit après cette longue fermeture des galeries et des musées. Cinq galeries germanopratines aux spécialités très différentes les unes des autres ont décidé de s’associer pour créer ensemble chaque année un itinéraire très pointu à travers les arts décoratifs autour d’un même thème. Rencontre avec Gladys Chenel pour parler d’Animal, cette première édition.
Gladys, on se rencontre aujourd’hui pour parler d’Itinéraire Saint-Germain, que vous créez cette année avec quatre autres galeries, la Galerie Jacques Lacoste, la Galerie Jacques Barrère, la Galerie Xavier Eeckhout et la Galerie Lucas Ratton, une vraie surprise pour fêter ce retour à la vie et à l’art ?
Je crois que c’est ce dont nous avons tous besoin ! Nous avons tous envie de reprendre notre vie culturelle après cette crise. Itinéraire Saint-Germain en sera j’espère l’une des occasions !
Animal est le thème que vous avez choisi ensemble cette année ?
En fait le projet est celui d’un groupe de galeries amies mais qui ont toutes des spécialités différentes. On avait envie de créer un évènement annuel qui reste donc très libre pour chacun. C’est un travail d’équipe, on ne voulait pas être beaucoup pour que cela reste un évènement très spontané. Pour le choix du thème, l’impulsion cette année a peut-être été donnée par Xavier, qui présente dans sa galerie des bronzes animaliers. Chaque galerie a bien sûr été libre dans le choix des pièces qu’elle va montrer, ce sera un peu comme un mini safari dans Saint-Germain !
Cette année, vous avez choisi de confier la direction artistique à Victor Cadène ?
C’est un artiste ultra talentueux. Il est très enthousiaste, très spontané, Il a passé beaucoup de temps avec chacun de nous pour s’imprégner de nos univers respectifs. Il a eu l’idée de créer ces éléments de décor qui seront dans les vitrines des cinq galeries pour présenter les œuvres et créer comme un cheminement avec un code couleur commun.
Il a vraiment un sens de la couleur incroyable.
Oui vraiment ! Il a souhaité utiliser la palette de Mériguet-Carrère qui est vraiment très belle. Il a repris un à un chaque panneau dans toutes les galeries pour y mettre sa touche, c’est vraiment son décor. Dans le logo qu’il a dessiné pour l’évènement, il a également repris chacune des pièces qui seront présentées dans les galeries.
Vous me montrez la pièce que vous avez choisi de présenter ?
C’est un bouc romain du 1er siècle après Jésus-Christ. C’est une pièce qui n’a encore jamais été montrée. Dans l’antiquité romaine le bouc est très souvent présent dans le cortège dionysaque et dans le mythe de l’Arcadie. Celui-ci a une provenance très intéressante, il faisait partie de la collection d’un marchand viennois, très proche d’Egon Schiele, qui s’est exilé à Londres durant la seconde guerre mondiale et il a été ensuite acquis par un couple de collectionneurs de Chicago qui avait une collection d’antiques incroyable. Nous monterons aussi une sublime panthère assise romaine, d’un Bigio Antico aux nuances presque bleutées, qui date du milieu du IIème siècle après Jésus-Christ, sous l’empereur Hadrien.
Vous êtes à la fois une galerie d’antiques très pointue et un lieu ouvert aux autres formes d’art ?
Oui, nous avons d’ailleurs fait une exposition avec le photographe François Halard l’an dernier. On montre aussi beaucoup la céramique de Picasso, qui fonctionne très bien aux cotés de l’archéologie. C’est aussi sentimental pour nous car mon beau-père, l’antiquaire Alain Chenel, qui nous a quittés l’an dernier et qui nous a toujours soutenus, était un grand collectionneur. Ollivier et Adrien ont grandi au milieu des céramiques et aujourd’hui à la galerie on adore mélanger les deux univers.
On ne travaille pas l’image de la galerie, on veut qu’elle nous ressemble. Notre première galerie rue de Beaune était plus classique, on présentait du mobilier, de très beaux objets aux côtés de l’antique et du jour au lendemain, il y a quatorze ans, on a décidé tous les trois de se spécialiser, de fermer la galerie au milieu de l’année et de tout changer ! On a réouvert après trois mois de travaux pour ne plus présenter que de l’antique. Mais de temps en temps nous mélangeons à nouveau des univers différents pour quelques expositions, de l’ancien au contemporain, parce que c’est aussi ce que nous aimons, cette idée de mélanger, de mixer les époques. Par exemple, nous organisons à Londres fin juin une exposition avec des confrères spécialisés en sculpture XVIIème.
Vous êtes toujours d’accord tous les trois dans vos choix ?
On a trois personnalités différentes mais complémentaires. Mon beau-frère est également photographe, il a un œil très esthétique, mon mari Ollivier lui est plus dans la recherche, il gère aussi beaucoup les papiers et moi je navigue entre le métier de galeriste et celui de scénographe ! Notre fonctionnement est très simple, si deux d’entre nous font un choix, le troisième est forcément d’accord !
Vous êtes aussi une passionnée de décor. Sur les foires internationales, par exemple, vos stands sont toujours très beaux ?
J’adore créer des décors, que ça bouge, que ce soit vivant. J’aime les lieux qui ont une âme. J’ai la chance de vivre parfois quelques temps chez moi avec des pièces qu’Ollivier rapporte avant de les faire restaurer ou pour les étudier et faire des recherches. Je peux donc en profiter ! Je crois que mon fils a d’ailleurs déjà attrapé le virus du métier, c’est vraiment une histoire familiale !