Yves Gastou
L’Incroyable Collection
On connaît l’antiquaire de génie, moins le collectionneur. Pourtant c’est sans doute cette passion incroyable, démesurée, pour les objets, pour la découverte, qui a mené Yves Gastou à devenir marchand, à rendre célèbres des artistes encore méconnus du design contemporain comme Sottsass, Mendini ou Kuramata.
Yves est un original, un poète. Et de son enfance en pays cathare il a gardé tout l’imaginaire. Vers 12 ans, lors d’une procession avec l’évêque de Narbonne, sa mère l’attrapa parce qu’il avait fait six ou sept fois le tour pour embrasser la main de l’évêque, Yves lui répondit alors : « Mais Maman, sa bague est si belle ! ».
Cette collection, Yves l’a constituée comme un irréductible chineur : des bagues d’homme, plus de mille, de toutes époques, de l’antiquité au contemporain, de toutes provenances, du Japon au Mexique, de l’Afrique à l’Inde ou à l’Amérique. Des bagues antiques de l’ancienne Égypte, des bagues de doges du XVIIe siècle ou de bikers américains des années 1970. Un univers mystique, iconoclaste, parfois provocant mais toujours poétique.
Yves, nous découvrons enfin cette incroyable collection.
Yves Gastou : Cette collection c’est toute ma vie. Comme pour toutes les autres, j’ai aimé rechercher ce que les gens ne regardaient pas, ou plus. Celle-ci je l’ai commencée tôt, vers l’âge de sept ans, avec une chevalière gravée à mes initiales, réclamée chaque jour à ma mère avant qu’elle ne se décide enfin à me l’offrir. C’était à Cadaquès, en Espagne. Depuis je n’ai jamais arrêté, en chinant dans les brocantes, les ventes aux enchères, dans les fonds de stocks des joailliers, les fonds d’ateliers, mais aussi au cours de mes voyages.
Ce sont des vanités que je vois souvent à vos mains et ceci bien avant que cela ne devienne une mode.
Yves Gastou : Oui, c’est vrai. Je ne sors jamais sans bagues depuis très longtemps. C’est aussi une forme de protection. Jusqu’aux années 30 et depuis des siècles les hommes portaient des chevalières avec leurs initiales ou leurs titres de noblesse. Puis ça a disparu pour revenir aujourd’hui chez les jeunes hommes, ceux qui acceptent leur androgynie, ce qui à mon avis est essentiel pour tout être dans la vie.
On commence par le néo-classique, avec des têtes à l’antique ou des armoiries en entaille ou en camée, des bagues de doges de Venise, des bagues de chevalier, et tout mon imaginaire, le Christ, la couronne d’épines, la croix … Puis la Chevalerie que j’affectionne forcément avec mon enfance à Carcassonne, les croisades, Jeanne d’Arc, l’une de mes icônes. Le néo-gothique avec des bagues du 20ème souvent provocantes : des têtes de mort, des cercueils … Et le religieux, j’ai sans doute la plus jolie collection de bagues de doges et d’évêques : des plus folles, durant des siècles, aux plus humbles à partir des années 50, notamment celles de Mellerio dits Meller, le plus ancien joaillier de la place de Paris et le plus important fournisseur du clergé depuis le XVIIIe siècle. Elles sont le reflet d’une époque où les évêques portaient de véritables oeuvres d’art, des chefs-d’œuvre de réalisation. Enfin y a les Vanités, qui subliment et conjurent à la fois la mort, et les bagues ethniques qui sont souvent des souvenirs de voyage. En Orient par exemple j’ai toujours été fasciné par la facilité qu’avaient les hommes de porter des bijoux. Au Mexique aussi j’ai découvert des trésors. On termine avec les Curiosités : l’érotisme, les machines et bien-sûr les bagues d’artistes !