Maxime Flatry
A seulement 30 ans, Maxime Flatry a déjà un parcours très riche dans l’univers des arts décoratifs. D’abord la mode, puis la joaillerie, avant qu’il ne se laisse rattraper par sa passion du mobilier et de l’Art Déco. Après quelques années de chine et de nombreux collectionneurs qui le suivent, il est très vite adoubé par ses pairs et il ouvre sa galerie à Saint-Germain des prés en mai 2022.
Maxime, racontez-moi vos premiers pas dans les arts décoratifs ?
Maxime Flatry : J’ai une formation de styliste modéliste à l’Ecole de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne. J’ai exercé ce métier quelques années puis j’ai eu l’opportunité de créer des bijoux et j’ai beaucoup aimé l’idée d’utiliser la notion d’objet en trois dimensions que n’a pas le vêtement s’il n’est pas porté, c’était sans doute un premier pas vers le mobilier. Mon premier rapport aux années 20-30 s’est d’ailleurs vraiment produit dans cette Ecole, pour un examen de fin d’année, je m’y suis intéressé pour les finitions de mes vêtements : les marqueteries de Ruhlmann pour mes broderies ou les laques de Dunand. C’est ainsi que j’ai découvert le caractère unique de ces pièces, les lignes, les formes, extrêmement abouties et intemporelles.
Mais vous aviez déjà un certain goût pour le mobilier ?
M.F : J’ai toujours acheté et collectionné du mobilier, des vases, des boites, j’ai une passion pour les boites. Quand j’étais styliste free lance chez Jean Patou ou Christophe Lemaire, j’avais beaucoup de liberté et je consacrais une partie de mon temps à chiner du mobilier, à suivre les ventes et j’ai compris, petit à petit, que c’était ce qui me passionnait. J’ai eu cette double casquette pendant un petit moment, aux puces le matin, au studio l’après-midi, avant de me décider à sauter le pas vers une activité de marchand.
C’est toujours l’Art Déco qui a eu vos faveurs ?
M.F : C’est la période des arts décoratifs qui me fait le plus vibrer pour de nombreuses raisons, certaines sur lesquelles je ne mets d’ailleurs pas encore de mots. Ce sont les dernières années où existent encore ce savoir-faire, ce raffinement dans la création conçue pour une élite. Quand j’étais styliste on pouvait passer des nuits à chercher la ligne exacte d’un vêtement, la bonne hauteur d’un ourlet, c’est pareil pour les courbes d’un meuble de Pierre Charreau, elles sont absolument uniques. Je suis d’ailleurs persuadé que ce sont les années passées à travailler dans la mode qui m’ont permis d’avoir un œil qui me sert tous les jours à faire des associations, à créer des dialogues entre les pièces.
C’est une période unique dans l’histoire ?
M.F : C’est le contexte historique qui a pu donner une telle liberté artistique. L’émancipation féminine a joué un rôle majeur : la femme Patou par exemple, c’était Suzanne Langlenne, qui sortait, faisait du sport et habitait dans un intérieur chic et moderne. Et puis il y a eu un basculement fabuleux à cette période, qui a vraiment déroulé un tapis rouge aux créateurs qui ont suivi dans le siècle, je parle souvent des racines de la modernité. En 2025 on fêtera d’ailleurs l’anniversaire de l’exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de 1925, qui est un peu l’apogée de cette période Art déco.
Parmi les nombreux créateurs de cette période, vous avez des prédilections ?
M.F : C’est toujours très tôt dans la période Art Déco. Je voue par exemple une vraie passion aux Salons Gondole d’André Groult ou aux meubles de Paul Iribe, qui sont très rares puisqu’ils sont tous estampillés de 1913 ou 1914.
Vous faites aussi un travail important sur les matières ?
M.F : Mon métier c’est d’abord de découvrir une pièce et de l’identifier, puis il y a ensuite un vrai travail de restauration et de mise en valeur. Le plus important c’est d’abord de partir de la forme du meuble, de la couleur du bois. C’est une recherche continuelle dans les textures ou les couleurs, chez les éditeurs de tissus mais aussi dans les grandes Manufactures. C’est ma manière de défendre le meuble, de le mettre en scène. J’ai un rapport fusionnel avec les artisans d’art. Comme dans un atelier de couture, où les artisans ont une main tailleur ou une main floue, les tapissiers et les ébénistes ont chacun une main différente et au milieu d’eux, je me sens un peu comme un chef d’orchestre.
Quelle est la place de Paris aujourd’hui pour les arts décoratifs ?
M.F : C’est toujours très agréable de voir la place de Paris dans la création. Bien sûr nous avons des rivales importantes et ouvrir une galerie aujourd’hui est tout de même un pari, mais Paris est toujours unique pour les collectionneurs du monde entier, notamment américains pour l’Art Déco. De mon côté je n’envisage pas d’avoir seulement un espace d’exposition, je veux l’enrichir régulièrement de scénographies différentes, qui, je l’espère, surprendront les collectionneurs.