Raphaël Le Berre & Thomas Vevaud

Raphaël Le Berre et Thomas Vevaud se sont rencontrés il y a 25 ans sur les bancs de l’école Camondo. Ils ont créé leur agence d’architecture il y a 10 ans et, de projets en projets, ont développé leur propre ligne de mobilier. Cette collection de fauteuils et de banquettes, de commodes, consoles, guéridons, miroirs, paravents ou tapis est aujourd’hui exposée dans une galerie qui lui est dédiée. A L’occasion de l’ouverture de cet espace, rencontre avec deux architectes d’intérieur passionnés.

C’est un véritable écrin cette galerie !

Raphaël Le Berre : Oui, elle représente notre signature, notre univers, aussi bien dans l’aménagement intérieur que dans le choix des couleurs associé à celui de notre mobilier. Nous avons pris le temps d’appréhender l’espace avant de l’investir vraiment. Nous avons toujours souhaité être dans ce quartier, au sein du Carré Rive Gauche, particulièrement rue de Verneuil, entourés d’antiquaires et de décorateurs que nous apprécions.

Parlez-moi de la Collection que vous présenterez ici ?

Thomas Vevaud : Nous avons toujours dessiné du mobilier pour nos chantiers. Toutes les pièces de notre collection sont nées d’un projet. Nous voulions les rassembler, les présenter, dans un même lieu.

Votre style est très affirmé, dans les formes comme dans les matériaux que vous utilisez ?

Raphaël Le Berre : On est un peu lassés des lignes anguleuses contemporaines, on préfère travailler les formes ondulantes, rondes, gourmandes. Elles sont un peu notre signature mais elles trouvent aussi leur source dans l’écriture riche des années 30.

Thomas Vevaud : Mais nous ne sommes pas fâchés avec la ligne droite non plus ! Comme pour les matériaux c’est l’association des formes qui nous intéresse.

Raphaël Le Berre : Nous travaillons aussi beaucoup l’entrechoc et la mise en valeur des matières, pour leur beauté intrinsèque, leur brutalité… On travaille de concert avec les artisans d’art, parfois plusieurs pour un même meuble. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes personnes que nous retrouvons en architecture sur nos chantiers, ferronniers, ébénistes … nous sommes tous très soudés.

Vous m’avez dit que votre mobilier prenait souvent forme au cours de vos chantiers ?

Thomas Vevaud : Oui, la conception du mobilier est presque indissociable de nos projets architecturaux. Dès les premières esquisses, les premiers plans présentés à nos clients, les meubles sont déjà là. Cela leur permet souvent de se projeter dans un chantier qui sera parfois long et ils apprécient ensuite d’avoir des pièces uniques dans leur décor. Un projet est donc souvent le moment de création d’une pièce, qui viendra ensuite s’inscrire dans notre collection de mobilier.

Raphaël Le Berre : Le processus commence d’ailleurs souvent avec le dessin d’un tapis sur-mesure. C’est un travail de longue haleine mais c’est lui qui donne le ton. Selon les matières, les formes ou les couleurs données au tapis, l’inspiration sera donnée pour notre mobilier, comme pour les textiles des assises par exemple.

Thomas Vevaud : Cela redimensionne aussi la pièce ou la circulation : dans les grands espaces notamment, le tapis crée des sous-espaces, des « boites dans la boite ». On peut alors s’amuser à retravailler le plafond en négatif, en dôme ou en staff, ou traiter la verticalité́ avec des luminaires. Le mobilier vient ensuite lui aussi reconditionner les lieux.

La couleur est également un élément important de votre univers ?

Raphaël Le Berre : Elle est essentielle. Et elle évolue : nous osons aujourd’hui des tons que nous n’aurions pas travaillé́ il y a encore quelques années. Nous avons la chance de vivre une époque qui permet les brassages de styles, de matériaux comme de couleurs ! Nous avons toujours travaillé la couleur différemment, en la posant au plafond par exemple, pour imaginer des boites.

Mais dans vos décors les associations restent toujours très harmonieuses ?

Thomas Vevaud : Bien sûr, tout dépend du projet, de la lumière, des goûts du client. Mais nous recherchons toujours un spectre chromatique qui s’associera ou s’opposera avec un blanc, un beige ou une couleur plus crayeuse par exemple. Nous aimons chahuter les ambiances feutrées !

Raphaël Le Berre : Traiter l’architecture dans l’architecture en créant des liaisons entre formes, couleurs ou matières, c’est un échange permanent entre nous deux, nous sommes très complémentaires. Dans notre travail on est un peu à la croisée des chemins du stylisme et de l’architecture.

Thomas Vevaud : L’architecture intérieure reconditionne le format des choses, elle permet de créer des liaisons, des perspectives, c’est un peu comme au théâtre !

Thomas Vevaud : C’est aussi, je crois, un métier de maturité. Après Camondo il y a 25 ans, on a tous les deux eu des parcours différents avant de s’associer. On a chacun d’abord travaillé dans deux univers différents. De mon côté je travaillais sur des espaces privés, des appartements, Raphäel évoluait plus dans le décor et la scénographie pour des lieux comme des restaurants, des boites de nuit, des clubs. Les choses sont ensuite venues naturellement. Je pense que chacun de nous s’est donné quelque chose de son univers : moi par exemple j’ai apporté une écriture rigoureuse, millimétrée. Raphaël lui était déjà dans la dimension du décor. On a pris du champ ensemble, en cassant certaines choses, en faisant des dérapages contrôlés qui nous correspondent vraiment.

Dans votre galerie, les collectionneurs pourront acquérir un meuble existant ou demander la réalisation d’une commande spéciale ?

Raphaël Le Berre : Oui ce sera possible. C’est un échange, comme en architecture intérieure. Il nous arrive de dépouiller notre travail ou au contraire d’aller beaucoup plus loin, notamment avec les matériaux, qui peuvent être très précieux. Tout est possible. Mais l’idée est aussi que des amateurs puissent acquérir un joli meuble sans avoir des moyens considérables.

Que pensez-vous l’un et l’autre de ce qu’on appelle dans le monde entier le style français ?

Raphaël Le Berre : Les savoir-faire français sont uniques. Toute notre collection de mobilier est évidemment produite en France. Les artisans avec lesquels nous travaillons sont vraiment associés à la création. Leurs compétences nous permettent d’explorer constamment des chemins différents de formes ou de matérialité, de connexion entre les matières.

Thomas Vevaud : C’est une question compliquée parce qu’en France, comme en Italie par exemple, on a un héritage très fort en matière de design et d’architecture. Aujourd’hui, d’une certaine manière on réécrit les choses, on les réinterprète. Nos goûts nous portent plutôt vers une forme de néo classicisme, vers les années 30 et 40, ou encore le style Memphis que nous affectionnons. Nous aimons par exemple transcender un style haussmannien pour le rendre plus pétillant, plus surprenant, avoir la bonne sensibilité pour l’emmener vers un esprit contemporain, en se référant parfois à certaines choses, formes ou dessin, sans se prendre au sérieux mais avec une certaine rigueur. Trouver la bonne écriture, la bonne forme, la bonne matière, sans tomber dans la gratuité, c’est un exercice permanent, mais c’est ce que nous aimons, pour l’architecture intérieure comme pour nos créations de mobilier.

GALERIE LE BERRE VEVAUD

20 rue de Verneuil 75007 Paris